Par un beau matin d'hiver, Nonon Popaul et les fistons sont en train de faire la frayée. Pas loin d'un mètre de neige qui est tombé cette nuit ! Tout à la pelle jusqu'à la route. Pouh ! et hop ! et hop ! Y remontent chercher les cendres pour mettre dans le chemin, sans ça, ça glisse. Le reste ira autour de la ferme. Au bout de deux heures, y rentrent les joues rouges de froid.
- Enlevez les godillots, crie la Renée, pas de saletés sur le lino !
- Ouais !
Les v'làs tous les trois en chaussettes de laine dans la cuisine. Y boivent la goutte du Père Curé.
- Pouah ! elle est bien bonne ! qu'y disent les fistons.
- Bon ! y' a encô du boulot dans la remise, y faut rafistoler les outils.
Y mettent les galoches, la fois-ci.
Pendant ce temps, la Fernande est la Renée y préparent la soupe au lard, celle qui tient bien à l'estomac. Le Nénesse, lui, y est dans la grange en train de rataboquer des vieilles roues de charrette (ça ne sert plus à rien mais y s'occupe). Maintenant y devient sourd comme un pot, c'est l'âge, quoi ! octante huit ans, tout de même !
Du dehors, on entend taper, scier, raboter, clouer et pis les N...de D... de Nonon Popaul. Ben oui ! ça va pas toujours comme y veut.
Et pis, zut ! J'm'en va faire du p'tit bois.
Avant de rejoindre le Nénesse dans la grange, y va chercher deux bouteilles de vin dans la cave, et hop, au nez et à la barbe des femmes qui font la popotte. Héhé !! Y boivent tous les deux en même temps.
- Ah ! ce qu'il est bon ! qu' y disent.
Tiens ! on toque à la porte. Môn ! v'là le Julot, le facteur. Y passe pour les étrennes.
Y est à pied, vaut mieux. Y' a laissé le vélo au village, pour monter surtout la côte près de chez les Lambert, c'est toujours du verglas. Y' a beau mettre des cendres, mais ça glisse quand même.
- Viens don boire un coup, ça va te réchauffer, t'as déjà la goutte au nez ! Ô misère !
- Pas de refus, le Popaul.
Au bout d'un quart d'heure, les deux bouteilles sont vides, mais...le Julot en sort une de sa sacoche de cuir...de la gnôle, de la vraie, de la costaud.
Pouah ! Grrr ! Les pompons se dressent sur les bonnets de laine, on s'accroche aux roues de charrette, on penche un peu en arrière et beaucoup en avant...ce qui fait que...le Nénesse y s'trouve pris la tête dans un joug de veau, le Popaul y fait le garde-à-vous à côté et le Julot y tente une sortie par la porte entrouverte ! Môn et môn ! Y sont encô bien, juste avant qu'on mange ! qu'y disent les fistons.
Le Julot a le nez violacé, ce coup-ci. le Nénesse et le Popaul se resaisissent au froid. Brrr ! Y marchent pas trop droit, mais ça va quand même. Le Julot y restent manger avec eux. Ah ! la bonne soupe !
- Y faut manger tant que c'est chaud ! dit la Fernande.
- Ouais ! qu'y dit le Julot en gloutonnant.
Et ça n'arrête pas de niaffer, ça agace la Renée.
-Niaffe, niaffe... des vrais cochons, fermez la bouche quand vous mangez ! Nom d'une pipe ! qu'elle leur dit.
- Nénesse, donne ton assiette que j'te mette un bout de lard !
- J'veux pas de canard, j'veux du lard !
- !!
Et on mange, on discute et le Gaston amène le munster, y schmique fort sous la cloche, c'est meilleur. Et hop ! le p'tit canon.
.../...